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Déclaration Balfour, novembre 1917

« Cher Lord Rothschild, J'ai le grand plaisir de vous adresser, de la part du Gouvernement de Sa Majesté, la déclaration suivante, sympathisant avec les aspirations juives sionistes, déclaration qui, soumise au cabinet, a été approuvée par lui. Le Gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l'établissement en Palestine d'un Foyer national pour les Juifs et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif, étant clairement entendu que rien ne sera fait qui puisse porter atteinte soit aux droits civiques et religieux des collectivités non juives existant en Palestine, soit aux droits et aux statuts politiques dont les Juifs disposent dans tout autre pays. Je vous serais obligé de porter cette déclaration à la connaissance de la Fédération sioniste (en). »

— Arthur James Balfour

Dans ce nouvel article des mystères de l’histoire, nous allons découvrir la Déclaration Balfour. C’est est une lettre ouverte datée du 2 novembre 1917 et signée par Arthur Balfour, le Foreign Secretary britannique. Celle-ci est adressée à Lord Lionel Walter Rothschild, éminence de la communauté juive britannique et financier du mouvement sioniste.

Par cette lettre, le Royaume-Uni se déclare en faveur de l'établissement en Palestine d'un foyer national juif. Cette déclaration est considérée comme une des premières étapes dans la création de l'État d'Israël. En effet, la promesse qu'elle contient est mise en œuvre durant la conférence de Paris de1919, puis à la conférence de San Remo en avril 1920, et enfin confirmée par le traité de Sèvres en août 1920. Néanmoins, bien qu’ayant été attestée lors de toutes ces conférences, cette déclaration n’est pas vue du même œil par tout le monde. A l'époque du « Grand Jeu », selon l'expression de Rudyard Kipling, les puissances européennes se battent pour maîtriser les zones riches en pétrole et protéger l'accès aux Indes. Le Moyen Orient est source de convoitise.

Un Foyer Juif

En juillet 1917, Arthur Balfour, ministre des Affaires étrangères britannique, rencontre Lord Rothschild et Weizman et leur propose, de rédiger une déclaration qu’il soumettrait au gouvernement. Une première version est proposée par le journaliste sioniste Harry Sacher à Sokolov. Elle fait référence à un Etat juif mais ce dernier juge cette déclaration inacceptable et préfère mentionner la formation d’un Foyer juif. Chaque mot est alors minutieusement choisi. Après cinq versions, Balfour demande officiellement à Lord Rothschild de la transmettre à la Fédération sioniste. Puis, le 9 novembre de la même année, cette lettre est rendue publique en étant publiée dans le Times, journal le plus lu en Angleterre. Ainsi toute la population britannique se trouve informée de la volonté de son gouvernement de former un foyer juif en Palestine. Le coup médiatique de la déclaration Balfour ainsi que la prise de Jérusalem dans la foulée, représentait une motivation pour les Juifs de choisir le camp britannique. Lors du démantèlement de l'Empire ottoman, le monde arabe s'attendait à l'indépendance promise, mais une partie de la population prend connaissance de la déclaration que les puissances européennes tentent de lui cacher. Le 7 novembre 1918, une déclaration franco-britannique est diffusée dans toutes les villes et villages contrôlés par les Alliés ainsi que dans les journaux. Les gouvernements britanniques et français affirment que « l'objectif recherché par la France et la Grande-Bretagne est l'établissement de gouvernements et d'administrations nationaux qui détiendront leur autorité de l'initiative et du choix libre des populations indigènes ». Ils souhaitent la création d’une « Palestine aussi juive que l’Angleterre est Anglaise ». La déclaration est une date marquante pour le mouvement sioniste qui voit enfin ses espoirs se réaliser. Dès novembre 1918, une parade célèbre son premier anniversaire à Jérusalem. La création de ce foyer juif semble être à portée de mains à présent. Même si le texte fait allusion à un Foyer national, ce terme n’a pas de définition juridique précise. C’est bien à un Etat juif qu’aspirent sur le long terme les sionistes. Lors de la Conférence de San Remo en Italie en avril 1920, l'attribution d'un mandat à la Grande-Bretagne sur la Mésopotamie et sur la Palestine est convenue. L'engagement de la Déclaration Balfour concernant la création d'un foyer national juif en Palestine est confirmée. Le 24 juillet 1922, La Société des Nations octroie à la Grande-Bretagne un mandat sur le territoire de la Palestine et la responsabilité de la mise en vigueur de la Déclaration Balfour, avec l'établissement en Palestine d'un foyer national pour le peuple juif. L’établissement de cette déclaration suit ainsi un long cheminement, passant par de nombreuses autorités pour être véritablement validée. Or, notons qu’à aucun moment celle-ci passe par une organisation palestinienne.

Des aspirations européennes

En regardant au-delà des dires de la déclaration, nous pouvons observer que les puissances avaient d’autres dessins derrière celui d’établir un foyer juif. Les Allemands cherchent à achever le chemin de fer Berlin-Bagdad. La campagne de Mésopotamie de 1914 à 1915 par les forces britanniques cible les gisements de pétrole du Koweït et de Bassorah. Les accords Sykes-Picot, confirmés par le traité de Sèvres, attestent l'importance de l'enjeu pétrolier pour les puissances européennes lors du partage du Moyen Orient. Le livre de Martin Watts The Jewish Legion during the First World War reprend des archives jamais publiées et retrace les efforts du gouvernement britannique pour trouver une issue à la Première Guerre mondiale. Au niveau militaire, les nombreux réfugiés russes en Angleterre qui auraient dû se battre dans l'armée russe alliée de l'Angleterre. Cependant, empêchés par les pogroms ils ne pouvaient se battre pour l'Angleterre de par leur nationalité étrangère. La solution était de les faire se battre dans une légion. La Légion juive comme proposée par le journaliste ukrainien Vladimir Jabotinsky recrute les réfugiés russes en Angleterre et aux États-Unis, et les réfugiés de Terre sainte au Caire sous administration britannique. Au niveau économique, Chaim Weizmann a trouvé un procédé pour synthétiser l'acétone nécessaire à la fabrication de la dynamite de façon beaucoup moins chère, ce qui lui valait l'amitié du ministre chargé des fournitures militaires. D'après le pamphlétaire antisioniste américain Benjamin Freedman, la confédération sioniste aurait approché les Anglais en leur proposant d'user d'influence pour amener les États-Unis à faire la guerre à leurs côtés si la Palestine, alors sous domination ottomane et défendue par la Triple Alliance, leur revenait.

Un Foyer national européen pour les Juifs

La déclaration Balfour est en contradiction avec les engagements pris auprès des nationalistes arabes qui revendiquent un grand État indépendant, et notamment le grand royaume arabe promis lors des accords Hussein-McMahon en 1915 au Shérif Hussein de la Mecque, puis revendiqué par son fils Fayssal. Le soulèvement arabe fut stratégiquement soutenu par les puissances de l'Entente, car il affaiblissait considérablement l'Empire ottoman, allié de celles-ci. La déclaration prolonge les accords Sykes-Picot, conclus secrètement en 1916 entre la France et l’Angleterre, et qui prévoyaient la mise sous tutelle internationale des possessions ottomanes et délimitent les zones d’influences européennes ou internationales au Moyen-Orient. La Grande-Bretagne considère alors que la reconnaissance d’un « foyer national juif » pourrait servir à assurer ses intérêts au Moyen-Orient et rendrait légitime ses revendications sur la Palestine. Toutes ces raisons incitent alors le gouvernement à faire preuve de bonne volonté face aux aspirations sionistes. Si la Palestine devient officiellement un mandat britannique en 1922, la politique équivoque de la Grande-Bretagne durant la guerre a développé des rancœurs et des tensions entre Juifs et Arabes, causant la dégradation des relations au Moyen-Orient tout au long de l'entre-deux-guerres. Néanmoins, ce texte n’offre aucune garantie juridique internationale à qui que ce soit. Cela peut mettre en péril les partis concernés par la déclaration. Aussi bien les puissances européennes que le mouvement sioniste. Arthur Koestler atteste de l’absurdité des issues de cette déclaration en disant : “une nation a offert à une autre nation le territoire d’une troisième ». Les populations ne sont pas consultées. Mais cette déclaration ne reste qu’un projet. Des plans sont ébauchés concernant l’expulsion des « non-juifs » pour installer les juifs en Palestine.

La déclaration Balfour est donc un des documents diplomatiques les plus importants de l’histoire du Moyen-Orient au XXe siècle. Elle constitue une grande avancée pour le sionisme politique qui obtient ainsi une garantie juridique internationale qui lui servira à légitimer 30 ans plus tard la création de l’Etat Hébreu. Cependant, la Grande-Bretagne ne néglige pas les Arabes. En effet, en 1917, les populations juives de Palestine sont très minoritaires. Elle a promis parallèlement au Chérif de la Mecque Hussein la création d’un royaume arabe. Ces promesses contradictoires ne l’empêcheront pas de mettre en place un mandat sur la Palestine est d’établir un état juif. Des tensions naissent alors entre les communautés juives et arabes. Cette déclaration a des conséquences sur les relations entre le Royaume-Uni et le Proche-Orient. Lors d’un discours à l’Assemblée générale des Nations unies en septembre 2016, Mahmoud Abbas de l’Autorité palestinienne avait demandé que des excuses publiques soient faites pour la Déclaration Balfour. Sa demande reste sans réponse de la part des puissances européennes. Néanmoins, pour la commémoration du centenaire de la déclaration, la Première ministre britannique Theresa May a convié Benyamin Netanyahou, premier ministre israélien le 2 novembre 2017, où la première ministre a affirmé qu’elle était fière du rôle des britanniques dans la création de l’état d’Israël, et ainsi ne présenterait pas d’excuses. Or le conflit israélo-palestinien sans doute causé par la déclaration perdure depuis des décennies.



Bibliographie :

· Claude Brzozowski, Du Foyer national juif à l’Etat d’Israël, analyse d’une spoliation, Paris, L’Harmattan, 2001.

Henry Laurens, La Question de Palestine, tome premier, 1799-1922, L’invention de la Terre sainte, Paris, Fayard, 1999.


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